L’accès direct aux kinésithérapeutes est très attendu depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Depuis la publication du texte en décembre 2021, aucun décret d’application n’est paru au Journal Officiel concernant la possibilité aux patients de consulter directement un kinésithérapeute sans visite au préalable d’un médecin1Robin, C. (2022, 25 octobre). L’accès direct aux kinés “libérera du temps au médecin et au patient”, selon Stéphanie Rist. Capital.fr. https://www.capital.fr/economie-politique/lacces-direct-aux-kines-liberera-du-temps-au-medecin-et-au-patient-selon-stephanie-rist-1449971.
Projet de loi Rist
Ce projet de loi a été présenté par la députée Stéphanie Rist élue en juin 2022 pour la majorité Présidentielle « Ensemble ! » et ancienne rhumatologue au CHR d’Orléans. La députée du Loiret tente de raligner la France vis-à-vis d’autres pays tels que le Canada, les États-Unis ou encore le Royaume Uni en termes de partage des tâches médicales. Infirmiers et orthophonistes sont également concernés par ce dispositif.
Ce texte est critiqué par nombre de médecins qui craignent de perdre leur statut de “pivot” ou leur rôle de chef d’orchestre dans le parcours de soins des patients2Robin, C. (2022b, novembre 20). Pourquoi les médecins généralistes menacent de fermer leurs cabinets. Capital.fr. https://www.capital.fr/economie-politique/pourquoi-les-medecins-generalistes-menacent-de-fermer-leurs-cabinets-1452322. Plusieurs syndicats, ainsi que le collectif “Médecins pour demain”, formé en fin d’année dernière, revendique le doublement du tarif de la consultation de base des médecins de ville, ont multiplié les critiques à l’égard du partage des tâches entre médecins et paramédicaux et mettent en garde contre « des actes médicaux réalisée par des professionnels non-médecins ».
Sans surprise, les syndicats des médecins se dressent face ce qui pourrait ébranler leur statut de chef d’orchestre du parcours de soins des patients. Le syndicat de « médecins généralistes » (MG France) juge ce texte « dangereux et inadapté » et alerte contre « une médecine où des professionnels de santé sont interchangeables sans une quelconque prise en compte de la qualité des soins ».
L’accès direct en kinésithérapie n’est ni une délégation de tâche, ni une délégation de compétence, le kinésithérapeute restant pleinement dans ses prérogatives professionnelles. L’accès direct à la kinésithérapie est une réorganisation bénéfique du parcours de soins, sans prescription médicale préalable et avec un retour d’information systématique au médecin traitant.
FFMKR, communiqué de presse du 12 janvier 2023
Pour rappel : projet de loi -> Assemblée Nationale -> Sénat -> Commission mixte paritaire
Texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale
Attention, ce projet de loi est passé devant le Sénat. Les éléments apportés ici permettent de comprendre le parcours de ce texte.
L’accès direct aux soins de Kinésithérapie sans consultation d’un médecin généraliste serait-il sur le point de devenir notre nouvelle réalité ? C’est mal parti.
Il y a plus de 2 mois (19 janvier) le texte du projet de loi Rist a été voté à l’unanimité par les députés avec l’abstention du Rassemblement National et des Républicains (LR).
Dans un contexte alarmant de déserts médicaux l’article 2 vise à « améliorer la qualité de soin » en donnant la possibilité aux patients de se rendre sans prescription de son médecin chez un kinésithérapeute exerçant dans un contexte de « soin coordonné » avec ce dernier.
Qu’est-ce qu’un soin coordonné ?
Seuls les kinés exerçant dans ces structures sont concernés par le projet de loi :
- Structures de soins coordonnés
- Établissements de santé publics et privés
- Établissements médico-sociaux
- Équipes de soins primaires
- Maisons et centres de santé pluriprofessionelle (MSP)
- CPTS
Les conditions de l’accès direct
- Transmission systématique du bilan et du compte rendu au médecin et au patient
- Limite de 10 séances
- Les patients en ALD sont prioritaires
Texte adopté en première lecture au Sénat
Texte examiné le 14 février par le Sénat.
Le Sénat a adopté, en première lecture, le texte concernant l’accès direct aux kinés et aux orthophonistes (abstention de la gauche)3proposition de loi portant sur l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de sante. (s. d.). https://www.senat.fr/leg/ppl22-329.html :
- Autorisation d’exercer sans prescription médicale préalable
- Uniquement dans les structures d’exercice coordonné
Les sénateurs ont considérablement réduit la liste des structures d’exercices coordonnés concernées :
- Équipes de soins primaires et spécialisés
- Maisons de santé
- Centres de santé
Les conditions
- Transmission systématique du bilan initial et du compte rendu au médecin et au patient (+ report dans le DMP)
- Dans la limite de 5 séances (10 dans le 1er texte)
- La sécu pourra encourager la prise en charge des patients en ALD et orienter vers les priorités de santé publique.
Concernant l’activité physique adaptée (APA)
Le Sénat a supprimé la possibilité pour les kinés de prescrire une activité physique adaptée (APA).
Commission mixte paritaire
La nouvelle étape reste la commission mixte paritaire constituée de 7 députés et 7 sénateurs en proportion (politique) des groupes de chaque assemblée4La commission mixte paritaire – Sénat. (s. d.). https://www.senat.fr/role/fiche/cmp.html. Ils vont devoir s’accorder sur un texte commun.
Les solutions aux déserts médicaux
Solutions parlementaires
« Nous avons besoin de l’ensemble des professionnels de santé » pour répondre à « la permanence des soins »
François Braun, le ministre de la Santé et de la Prévention
A ce jour, 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant et la fin du numerus clausus instauré par le gouvernement n’aura un effet ressenti que dans plusieurs années. Certains partis politiques comme le groupe Horizons (lié au parti d’Edouard Philippe) cherchent à accélérer le processus en proposant, à l’instar du zonage des kinésithérapeutes et infirmières, des règles plus strictes d’installations des médecins en zones denses.
« L’ensemble des professionnels de santé » demandé par le ministre de la santé a été réduit considérablement par le Parlement (assemblée nationale et sénat) et les kinés potentiellement mobilisés seront sûrement seulement ceux exerçant en soins coordonnés.
Le 1er syndicat des kinés, la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR) répond :
Limiter l’accès direct au seul cadre formel des structures d’exercice coordonné, comme le propose le projet de loi RIST, reviendrait à instaurer une pratique à géométrie variable réduite au seul champ de la patientèle du médecin.
FFMKR
L’accès direct libérerait du temps médical pour le médecin et limiterait les recours inutiles aux urgences hospitalières. Il se financerait sur les économies qu’il génère pour l’assurance maladie.
FFMKR
Combien de kinés sont concernés par l’accès direct ?
Les 100 000 kinésithérapeutes sont prêts à participer à ce défi commun.
Pascale MATHIEU, présidente du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes
Stéphanie Rist a été reçue le 14 mars lors du séminaire du conseil national de l’ordre pour faire le point sur cette proposition de loi. Cependant, une question reste en suspens, combien de kinésithérapeutes exercent actuellement en exercice coordonné ? Comment se réjouir d’une proposition de loi sans connaître sa réelle portée ?
Comme pour l’activité physique adaptée (APA), il semblerait que les lois visant à donner plus de responsabilité aux kinésithérapeutes soient systématiquement étouffées par les parlementaires.
CPTS
Les Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) créés par la loi de modernisation de la santé de 2016 permettent d’améliorer le parcours des patients en l’intégrant dans un maillage de professionnels de santé. Depuis, ce qui représente un exercice de soin coordonné, est encore que trop peu démocratisé (moins de 300 structures) et surtout très inégalitaire sur le territoire5Robin, C. (2022b, octobre 25). Les rendez-vous chez le kiné sans ordonnance et remboursés se font attendre. Capital.fr. https://www.capital.fr/economie-politique/les-rendez-vous-chez-le-kine-sans-ordonnance-et-rembourses-se-font-attendre-1448572:
- Centre-Val de Loire (95% de couverture)
- Région parisienne (47,4% de couverture)
- Hauts-de-France (26,9% de couverture)
- Nouvelle-Aquitaine (15,8%)
Il est également frustrant de voir l’incohérence parlementaire. Alors que de nombreuses urgences ont fermé leurs portes ou sont à bout de souffle, les députées ont préféré rendre prioritaire les patients en ALD.
Quant est-il des entorses de chevilles ou des lombalgies aiguës qui constituent, on le sait, une grosse part évitable de présentation aux urgences ?
Conclusion
Même si cette proposition de loi risque de décevoir une grande partie de la profession, on peut considérer qu’il s’agit quand même d’une avancée.
(Ce n’est) pas une fin en soi mais la première marche de la refondation de notre système de santé.
Ministre de la Santé, François Braun

– Aujourd’hui : Président & Fondateur de Yotéra
– Aujourd’hui : Activité libérale à mi-temps à Saint-Benoît (La Réunion) en tant qu’assistant
– Début de carrière salarié à l’Hôpital de La Timone Adulte à Marseille en service de réanimation (2 ans)
– 3 ans d’apprentissage à l’Hopital de la Timone Adulte
– Diplômé de l’IFMK de Marseille en 2019
Formations :
– Kiné Respiratoire et Ventilation Artificielle (M. MAFFEI, 2019)
– Rééducation de la main et du poignet (M. MESPLIE 2022)
– Physiopathologie, bilan & traitement posturo-fonctionnel du pied (M. GRAND, 2022)
Références
- 1Robin, C. (2022, 25 octobre). L’accès direct aux kinés “libérera du temps au médecin et au patient”, selon Stéphanie Rist. Capital.fr. https://www.capital.fr/economie-politique/lacces-direct-aux-kines-liberera-du-temps-au-medecin-et-au-patient-selon-stephanie-rist-1449971
- 2Robin, C. (2022b, novembre 20). Pourquoi les médecins généralistes menacent de fermer leurs cabinets. Capital.fr. https://www.capital.fr/economie-politique/pourquoi-les-medecins-generalistes-menacent-de-fermer-leurs-cabinets-1452322
- 3proposition de loi portant sur l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de sante. (s. d.). https://www.senat.fr/leg/ppl22-329.html
- 4La commission mixte paritaire – Sénat. (s. d.). https://www.senat.fr/role/fiche/cmp.html
- 5Robin, C. (2022b, octobre 25). Les rendez-vous chez le kiné sans ordonnance et remboursés se font attendre. Capital.fr. https://www.capital.fr/economie-politique/les-rendez-vous-chez-le-kine-sans-ordonnance-et-rembourses-se-font-attendre-1448572